La mémoire |
La mémoire est l'une des fonctions les plus importantes et l'une des propriétés les plus passionnantes du cerveau. Pascal disait déjà : "La mémoire est nécessaire a toutes les opérations de l'esprit". Il est bien vrai qu'elle régit l'essentiel de nos activités qu'elles soient scolaires, professionnelles, quotidiennes ou de loisirs. Elle construit aussi bien l'identité, les connaissances, l'intelligence, la motricité et l'affectivité de chacun de nous. |
Qu'est-ce que la mémoire ?
C'est la fonction qui permet de capter, coder,
conserver et restituer les stimulations et les informations que nous percevons. Elle met
en jeu aussi bien les structures physiques que psychiques.
Il n'existe pas une, mais des mémoires. En effet, en première analyse, on peut
distinguer la mémoire sensorielle, la mémoire à court terme et la mémoire à long
terme.
Quel est le rôle de ces différentes mémoires ?
La mémoire sensorielle
Extrêmement brève, elle correspond pratiquement
au temps de perception d'un stimulus par nos organes sensoriels. La mémoire sensorielle
visuelle (on dit aussi iconique) a une persistance comprise entre 300 et 500
millisecondes. La mémoire sensorielle auditive (ou échoïque) n'est guère plus longue.
A ces stimuli visuels et auditifs, peuvent s'ajouter des perceptions captées par les
autres sens mais qui semblent jouer un rôle moins important. Ainsi en est-il de la
mémoire sensorielle tactile (mémoire haptique).
C'est la combinaison de ces différentes perceptions qui permet l'identification de
l'information.
La mémoire à court terme
Également baptisée mémoire de travail (MT), nous la sollicitons en permanence; c'est une mémoire immédiate qui nous offre la capacité de retenir, pendant une durée comprise entre une et quelques dizaines de secondes, jusqu'à 7 éléments d'information en moyenne.
La mémoire à long terme
Contrairement aux précédentes qui effacent les données aussitôt après leur traitement, la mémoire à long terme (MLT) stocke les informations pendant une longue période et même pendant toute la vie. D'une capacité considérable, la MLT est dépositaire de nos souvenirs, de nos apprentissages, en résumé, de notre histoire.
"La Mémoire " (1945) par René
Magritte - Huile sur toile 45 X 54 cm.
Comment ce système est-il organisé ?
Evidemment, les informations que nous percevons ne sont pas déversées en vrac dans une sorte de mémoire "réservoir". Elles sont organisées et régies par des systèmes qui fonctionnent en relation permanente. On fait une distinction entre la mémoire épisodique et la mémoire sémantique, d'une part, et entre la mémoire procédurale et la mémoire déclarative, d'autre part.
La mémoire épisodique permet de se souvenir des
événements, des noms, des dates et des lieux qui nous sont propres. Elle est très liée
au contexte affectif (par exemple: hier, Julien, en voyant un documentaire à la
télévision, a appris que "Quito" était la capitale de l'Equateur).
La mémoire sémantique concerne les concepts, le sens des mots et des symboles (par
exemple : Julien sait, sans se souvenir où et quand il a acquis cette connaissance, que
"Paris" est la capitale de la France).
Il existe également une mémoire qui concerne la forme des mots, sa
"carrosserie", sa prononciation... c'est la mémoire lexicale (ex:
"Quito" est composé de deux syllabes, commence par la lettre "Q", se
termine par une voyelle etc ... ). La mémoire sémantique et la mémoire lexicale sont
regroupées sous le terme "mémoire verbale".
La mémoire procédurale correspond au savoir-faire. Elle
sert à réaliser des opérations complexes souvent motrices (conduire une voiture, faire
du vélo ... ) et entre probablement en jeu dans l'apprentissage "par coeur".
La mémoire déclarative est celle du savoir dire. Elle permet d'évoquer de façon
consciente des souvenirs sous la forme de mots.
Existe-t-il une région anatomique, siège de la mémoire ?
On sait aujourd'hui qu'il n'existe pas de
"centre de la mémoire", mais plusieurs sites du cerveau impliqués dans le
traitement et la conservation des informations.
La mémoire répond ainsi au même schéma que les autres fonctions supérieures du
cerveau (la motricité, le langage, la perception, l'intelligence...)
Pour simplifier, on peut préciser que :
- la mémoire à court terme fait intervenir le cortex* préfrontal,
- la mémoire sémantique met en jeu le néocortex,
- les corps striés* et le cervelet* sont très impliqués dans la mémoire procédurale,
- la mémoire déclarative intéresse l'hippocampe*,
- l'hippocampe est également sollicité par la mémoire épisodique (en même temps que
le thalamus* et le cortex préfrontal).
Les neurobiologistes s'accordent pour conférer à l'hippocampe un rôle essentiel. Situé
au coeur du cerveau, il assure la mise en relation des informations stockées en
différentes zones cérébrales. Son intervention est nécessaire pour faire passer les
souvenirs de la mémoire à court terme vers la mémoire à long terme.
*Voir lexique ci-dessous
Quel est le support de la mémoire ?
Un souvenir est stocké dans un réseau de
plusieurs milliers ou millions de neurones* connectés les uns aux autres.
Sur le plan chimique, les neurones communiquent entre eux ou avec des cellules
spécialisées (musculaires, hormonales ... ) par le biais de molécules appelées
neurotransmetteurs ou neuromédiateurs*, Dans le cas de la mémoire, c'est
l'acétylcholine* qui joue un rôle essentiel. Son déficit est à l'origine de troubles
mnésiques ; c'est d'ailleurs l'une des causes de la maladie d'Alzheimer.
*Voir lexique ci-dessous
"NEURO-LEXIQUE" Acétylcholine : neurotransmetteur
essentiel qui assure notamment la "commande" des muscles. Son déficit est une
des causes de la maladie d'Alzheimer. |
La mémoire a-t-elle des limites ?
Si les mémoires sensorielles et à court terme
ont des capacités limitées au traitement de l'information, la mémoire à long terme
possède de prodigieuses facultés de conservation.
Il nous arrive pourtant d'avoir des défaillances et d'oublier, sans pour autant que nous
ayons à nous alarmer. L'oubli n'est pas un phénomène anormal. Alfred Jarry écrivait
même : "L'oubli est la condition indispensable de la mémoire".
Quand l'oubli se manifeste-t-il ?
L'oubli intervient parce que notre cerveau est
organisé pour éliminer tout ce qui pourrait l'encombrer inutilement ou lorsque
l'information n'a pas subi le traitement approprié. Le processus d'organisation est
essentiel dans le travail et le succès du rappel : les chances de retrouver un souvenir,
dans l'immense bibliothèque qu'est la mémoire sémantique, dépendent de la qualité
avec laquelle on a étiqueté ce souvenir.
Beaucoup d'oublis ont également une cause affective. Les psychanalystes montrent bien que
l'oubli est souvent associé à des événements ou des intentions associés à des
affects désagréables ou porteurs de stress.
Quels sont les maladies de la mémoire ?
Les troubles de la mémoire se caractérisent principalement par les amnésies. Des pathologies moins fréquentes sont observées sous le titre de paramnésie et hypermnésie.
Les amnésies
Certaines sont dues à des lésions cérébrales : les amnésies
neurologiques; d'autres ont des causes psychologiques : les amnésies psychiatriques.
Selon les cas, la forme de l'amnésie varie. On distingue :
- l'amnésie antérograde ou amnésie de fixation. Le malade ne peut plus
acquérir de nouvelles données, mais les souvenirs anciens sont préservés. Ce type
d'amnésie se rencontre notamment chez les alcooliques chroniques (syndrome de Korsakoff),
- l'amnésie rétrograde empêche le patient d'évoquer des souvenirs antérieurs
à sa maladie,
- l'amnésie lacunaire est une perte de mémoire se rapportant à une période
bien déterminée (période d'une perte de conscience, d'une crise d'épilepsie, d'un
épisode psychiatrique ... ),
- l'amnésie globale qui touche aussi bien les faits récents et anciens et qui
se rencontre dans les démences.
La paramnésie
C'est l'illusion du déjà vu ou du déjà vécu.
Isolé et en dehors d'un tableau clinique psychotique (schizophrénie), il s'agit d'un
défaut d'interprétation, d'un trouble de la perception parfois lié à la fatigue.
L'hypermnésie
Elle est évoquée dans les cas de troubles psychiatriques où les souvenirs
du patient occupent une place obsédante, exagérée et même invraisemblable.
MESUREZ VOTRE MÉMOIRE IMMÉDIATE Voici une liste de chiffres.
Lisez-les lentement à haute voix. Après chaque séquence, fermez les yeux et essayez de
les répéter dans le même ordre. |
Qu'est-ce que la maladie d'Alzheimer ?
De plus en plus fréquente chez les sujets âgés
(après 45 ans, mais surtout après 65 ans), la maladie d'Alzheimer affecte le cerveau.
Elle se manifeste par une perte de la mémoire à court terme, une confusion mentale et,
finalement, par une détérioration physique et intellectuelle totale.
Malgré des recherches intensives, la cause précise de cette affectation reste inconnue
et on ne sait pas encore la soigner.
D'autres maladies dégénératives, moins répandues touchent le cerveau et s'attaquent
aux facultés intellectuelles (syndrome de Pick, Chorée de Huntington, Maladie de
Steel-Richardson, syndrome amnésique).
En quoi le vieillissement perturbe-t-il la mémoire ?
On a longtemps cru que la perte progressive des
neurones expliquait, à elle seule, les difficultés mnésiques des personnes âgées.
A présent, on sait que notre capital de neurones est tellement important et sous employé
que nous pouvons aller au terme de notre existence avec des potentialités préservées.
Cela explique sans doute la qualité des performances mnésiques de certains sujets
parfois très âgés.
On sait pourtant qu'avec l'âge, se produit un ralentissement des capacités cérébrales;
la transmission des informations est moins rapide :
- les nouvelles acquisitions sont plus difficiles,
- les souvenirs anciens existent mais leur rappel est plus complexe.
S'il existe des raisons physiologiques à la baisse des performances, le vieillissement de
la mémoire s'explique également par une baisse de l'activité psychique, de l'exercice
physique et intellectuel ainsi que par un isolement. La mémoire a besoin d'être
fréquemment sollicitée pour bien fonctionner : sa gymnastique doit se poursuivre le plus
tard possible.
EXERCICES DE GYMNASTIQUE MENTALE |
|
Type de mémoire sollicitée | Méthode |
Mémoire à court terme | Se concentrer et catégoriser Répéter pour soi-même Ecrire un mémo |
Mémoire des noms | Décomposer le mot et le répéter Associer son et image jeux de mots |
Mémoire des concepts | Apprendre trois mots par jour, noter
leur sens dans un petit lexique Se faire des images mentales de la scène Lire |
Mémoire des numéros | Grouper par unités significatives et apprendre par coeur |
Mémoire des visages | Connexion visage-nom (il ressemble
à ...) Reconnaître les visages à la télévision, mettre des noms sur les visages d'acteurs ou de personnalités politiques |
Mémoire des adresses | Revoir des photos Marquer (mémo) des indices (rimes, abréviations ... ) |
Source: Mémoire ou mémoires ? De la neurobiologie à la stimulation, H. Allain, A. Lieury. |
Comment évaluer sa mémoire ?
Il existe de nombreuses batteries de tests
permettant d'évaluer les capacités mnésiques. Médecins et psychologues y ont recours.
La plupart des tests psychotechniques intègrent des épreuves de mémoire. Des
investigations plus spécifiques, permettant notamment de déceler des détériorations
organiques du cerveau, existent depuis bien longtemps.
C'est le cas du test de rétention visuelle de Benton.
Peut-on stimuler sa mémoire ?
Tout d'abord, précisons que, selon les
pharmacologues, à ce jour, il n'a pas été fait la preuve qu'un médicament présumé
efficace pour "doper" la mémoire ait eu des effets probants auprès de sujets
dotés de capacités mnésiques normales ou supérieures. En effet, les produits
concernés n'ont jamais fait l'objet des évaluations scientifiques requises.
L'explication tient en grande partie à ce qu'aucune substance chimique ne peut être
considérée comme spécifique de la mémoire.
Tout au plus, peut-on, dans une période limitée, améliorer les vigilances, la
concentration, diminuer l'anxiété, toutes fonctions qui lorsqu'elles sont altérées
perturbent les performances mnésiques.
Mais il faut faire preuve de prudence : la meilleure illustration nous est donnée par les
étudiants qui, en période d'examens, prennent des stimulateurs et des excitants. S'ils
activent certaines fonctions, ils nuisent en même temps au sommeil si important dans la
qualité de la mémoire.
Beaucoup de travaux s'attachent à mettre au point des molécules destinées à diminuer
les troubles de la mémoire, en particulier chez les personnes âgées.
Dans le cas des personnes exemptes de pathologies, plutôt que de chercher à stimuler la
mémoire, il est préférable, à tout âge, de la cultiver.
Que faut-il conseiller ?
Pour cultiver et préserver sa mémoire, il est recommandé, d'une part d'avoir une bonne hygiène de vie, d'autre part d'exercer sa mémoire.
L'hygiène de vie.
- Le sommeil a un effet particulièrement bénéfique sur la rétention des
informations acquises la veille. Contrairement à ce que l'on a pu croire encore
récemment, on n'apprend pas en dormant, mais on retient mieux grâce à un sommeil
suffisant (8 heures au minimum pour un adolescent et un jeune adulte), régulier et de
qualité. Le recours aux somnifères hypnotiques ne favorise pas une bonne mémoire, parce
qu'ils altèrent l'une des phases importantes du sommeil : la phase paradoxale, au cours
de laquelle le processus de mémorisation est très actif.
- D'autres médicaments peuvent avoir une action sur les performances mnésiques.
- Le tabac et plus encore, l'alcool nuisent à la mémoire. Ce dernier, à l'origine
d'amnésies lacunaires, exerce une action négative sur les neurotransmetteurs et dans les
cas d'alcoolisme chronique peut provoquer des lésions cérébrales irréversibles.
Faire
travailler sa mémoire
L'une des meilleures méthodes pour exercer sa mémoire et préserver ses
capacités de mémorisation est la lecture. En effet, elle met en jeu, en permanence,
l'attention, la perception visuelle, la reconnaissance, la construction d'images mentales,
l'organisation des informations etc... toutes opérations qui façonnent notre mémoire.
D'autres exercices peuvent être recommandés dans la mesure où ils mobilisent
l'attention, où nous manifestons de l'intérêt, où nous stockons le matériel à
mémoriser selon une organisation, où nous faisons intervenir la répétition...
En cas de défaillances répétées et d'inquiétude sur ses capacités mnésiques, il est
utile de consulter un médecin généraliste qui pourra faire la part entre l'anxiété,
la fatigue, le stress ou un réel trouble de la mémoire et éventuellement orienter vers
une consultation à l'hôpital ou dans des centres médicaux spécialisés dans
l'évaluation de la mémoire.
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Pour nous familiariser au
fonctionnement de la mémoire Alain Lieury, professeur de psychologie, évoque les étapes
de la recherche et les résultats auxquels sont parvenus neurologues, neurobiologistes et
psychologues. Puis il s'interroge sur le rôle de la mémoire dans l'éducation scolaire : la mémoire serait-elle un instrument essentiel de la réussite ? |
L'éducation au service de
la santé
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